Un balcon en forêt

Folie, fureur et ferveur, oeuvres poétiques, Anne Sexton

Julien Peytard, stagiaire à la librairie nous partage sa lecture de Folie, Fureur et Ferveur de Anne Sexton. Un très bel article qui lui a valu d'être interviewé pour le book club de France culture. Bravo à lui!

 

L'ouvrage regroupe les trois derniers recueils rédigés par la poétesse américaine, membre du confessionnalisme morte en 1976. Ce texte vient conclure un long travail de traduction et de mise en avant de cette autrice méconnue par les éditions Antoinette Fouque-Des Femmes depuis 2022. Ici, on assiste à l'aboutissement et le mûrissement de la poésie de Sexton, encore et toujours traversée par les mêmes problématiques : sa relation à la féminité, à l'intimité féminin, sa critique féministe des relations homme-femme, et la santé mentale.

 

Issue du même courant que Sylvia Plath, Sexton offre dans les derniers poèmes de sa vie des vers pleins de ferveur et de maturité. La traduction de Sabine Huynh, fidèle dans l'essence et magnifiquement lisible, dévoile là une poésie qui transcende l'intimité du confessionnalisme, qui s'ouvre au monde, qui se fait quasi-prophétique, mystique, engagée et plus obsessionnelle que jamais. Ici, Sexton fait de l’Écriture son Dieu en lequel elle se dévoue entièrement, et de la machine à écrire son Église :

 

« Je suis, chaque jour

attelée à la tâche d'écrire sur le Dieu

en lequel ma machine à écrire croit. »

 

Omniprésente, la religion et autres figures mythologiques hantent ses vers, qu'elle tourne tantôt en dérision, ou auquel elle s'adresse tantôt avec un sérieux tragique. Sa voix est claquante, railleuse et pieuse tout à la fois. « Les saints ne connaissent pas la modération, / les poètes non plus / ils ne connaissent que l'exubérance » dit-elle. Ainsi, des allégories telles que Jésus, Lazare, Anubis ou bien les Furies viennent et reviennent, décomposées et reformées pour servir les propos de la poétesse.

 

Dans ses dernières poésies, Sexton se fait ainsi porte-parole pour les femmes : « Aujourd'hui la Cour suprême a rendu l'avortement légal. / Qu'elle soit bénie. / Que Dieu bénisse toutes les femmes / qui veulent recréer à leur image / mais pas tous les jours. » A cela s'ajoute une critique de l’impérialisme américain, de la violence de ses guerres, ainsi que le récit du changement du corps et de l'esprit qui lui fait dire que « Nous sommes tous des vers de terre, / creusant nos rides. »

 

Cette poétesse porte un regard effronté et las à la fois ; c'est la voix d'une femme qui refuse d'être réduite à son rôle, et qui place en l'écriture toute sa salvation, tout en sachant pertinemment qu'elle ne saurait être sauvée, ramant inlassablement vers  un ailleurs qu'elle n'a eu de cesse de blâmer, de railler et d'aduler tout à la fois : « Cette histoire se termine avec moi qui rame encore. »


 


 

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