Un balcon en forêt

La Maison, Julien Gracq

Ce petit livre inédit de Gracq brille comme un joyau dans la librairie. Son vert éclatant invite à le saisir, le titre, La Maison, est suffisamment précis et mystérieux. Un peu de suspicion au départ. Cet inédit n'est-il qu'un texte sans intérêt trouvé au fond d'un tiroir ?

Un bref survol montre qu'il est très court, suivi d'une reproduction du premier manuscrit très corrigé et d'un second, corrigé aussi, plus légèrement. Toujours un peu d'émotion à la vue d'une écriture manuscrite qui retrace le geste de l'écrivain, si proche de sa pensée, et traduit, comme tout manuscrit, une personnalité, une éducation, une époque.

Vient la lecture, et on découvre un condensé de Gracq. Lors d'un voyage régulier en autocar, « en pays bocager » et période d'occupation allemande, il passe devant une friche enfermant en son sein une maison qui attire son regard.

La friche n'est pas belle «une étendue confuse de taillis maigres de chênes et de châtaigniers », et dépareille dans le paysage bocager. La maison n'est pas mieux, mal proportionnée et semblant abandonnée, telle « l'affût d'une bête lourde au milieu de ces solitudes ».

Le narrateur en vient, un jour d'oisiveté, à descendre de l'autocar, pour s'aventurer dans cette friche. Promenade réelle ou imaginaire, nul ne le saura. Toujours est-il qu'il s'avance dans la futaie épaisse, comme l'aurait fait le père de la Belle au royaume de la Bête.

Du fait de la période historique, cette avancée prend l'allure d' « une enquête de police », où l'on marche « comme dans une ombre portée ; la route toute entière feutrée et épiant n'étant plus qu'une oreille collée contre la lisière des bois »; et c'est comme si toute la friche et la maison se trouvaient en état de résistance.

Le chemin sous la pluie semble interminable mais quand il va renoncer, il arrive devant la maison, en pire état qu'il avait imaginé. Il la contourne, découvrant l'arrière au négligé à peine moindre mais où cependant il découvre, fasciné, une présence.

Le joyau est véritable et la beauté de la langue de Julien Gracq enchanteresse.

 

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